La Monnaie était le décorArne Quinze
de ma jeunesse
Quel est votre premier souvenir à la Monnaie ?
Arne Quinze (artiste conceptuel) : Mon lien avec la Monnaie date des années 80, lorsque, avec une bande de danseurs de hip-hop et de breakdance, je venais donner le meilleur de moi-même sur la place de la Monnaie. L’énorme bâtiment derrière nous ressemblait à un véritable monument, et je sais que, du haut de mes 14 ans, je me demandais déjà ce qu’il pouvait bien s’y passer. D’une certaine manière, la Monnaie a été le décor de ma jeunesse.
Qu’est-ce qui rend la Monnaie si spéciale pour vous ?
L’ouverture et l’approche particulière de la maison, sans aucun doute. Je me suis toujours senti très à l’aise ici. Les personnes qui y travaillent n’ont pas peur de prendre des risques. La Monnaie est audacieuse. Il faut du cran pour être toujours à la pointe du progrès, et je le sais bien en tant qu’artiste.
Quel est le dernier opéra ou concert qui vous a ému aux larmes ?
C’était déjà il y a plusieurs années, mais je me souviens parfaitement avoir été très touché lorsque, dans Matsukaze, j’ai vu ces fines aiguilles de pin tomber à travers les montants d’un cube stylisé qui représentait une maison. C’était pour moi une représentation très poétique, d’une beauté inégalée. Ça m’a beaucoup touché. Mais la musique me touche toujours. Lorsque je travaille, j’utilise la musique pour me plonger dans un certain état d’esprit. Si j’ai besoin d’être emporté par ma palette de couleurs, si je cherche la profondeur dans mes peintures ou d’autres travaux, alors j’écoute de l’opéra. Souvent au volume maximum.
Comment voyez-vous la Monnaie, à travers vos yeux d’artiste ?
Pour moi, la Monnaie est comme un jardin où il pousse un peu de tout. Cette maison regorge d’esprits inventifs qui créent en permanence, chacun dans leur domaine. C’est la symbiose entre toutes ces personnes qui fait de la Monnaie un ensemble si fort – ou un si beau jardin, si l’on veut.
Quel est le rôle de la culture dans notre société actuelle ?
Je plaide depuis longtemps pour que la culture ne soit pas cantonnée à l’intérieur des maisons culturelles, mais qu’elle soit répandue également à l’extérieur. La Monnaie – pour quand même prendre cet exemple – ne doit pas se limiter à la création d’opéras en son sein, mais l’art qu’elle génère doit également vivre en dehors de ses murs, dans les rues et sur les places de Bruxelles et, si possible, bien au-delà. Ce constat vaut également pour toutes les institutions culturelles. C’est le seul moyen que nous ayons de permettre aux 99 pourcent de la population qui n’en bénéficient pas d’accéder à la beauté de la culture. L’opéra n’est pas seulement créé pour les amateurs d’opéra, mais il l’est aussi pour toutes les personnes qui veulent vivre quelque chose de beau.
Y a-t-il un rôle que vous souhaiteriez interpréter un jour ?
Oh, j’aimerais pouvoir chanter magnifiquement bien. Je suis tellement admiratif de tous ces chanteurs. Chaque fois que j’entends cette puissante vague qu’ils font se dérouler dans la salle, je les jalouse de la plus belle des manières. (Songeur). Si seulement je pouvais chanter... Je suis déjà un homme heureux, mais je le serais plus encore.
Quel serait l’opéra que vous sauveriez pour l’éternité ? Et pourquoi celui-là ?
Ce sera l’opéra que nous créerons demain. Un opéra qui rassemblera toutes les expériences, les parfums, les couleurs et les goûts possibles. Dans un grand melting-pot. Ça me semble être un l’opéra parfait et je voudrais absolument le conserver.
Il semble qu’une collaboration entre Arne Quinze et la Monnaie soit imminente...
Nous collaborons déjà depuis un petit bout de temps. Je suis ami avec de nombreuses personnes ici à la Monnaie, et tout le monde sait que, lorsqu’il y a de l’amitié, tout est possible.