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La Monnaie / De Munt LA MONNAIE / DE MUNT

Nous ne sommes plus des divas.

Sabine Devieilhe

Temps de lecture
6 min.

Pour le premier opéra de sa saison 2018-19, la Monnaie présente l’œuvre iconique de Wolfgang Amadeus Mozart Die Zauberflöte dans une interprétation originale de Romeo Castellucci. La production se dote également d’une distribution cinq étoiles avec, pour interpréter le rôle de Reine de la Nuit, l’une des chanteuses lyriques européennes les plus en vue du moment : Sabine Devieilhe, dont nous allons explorer la carrière.

Une jeunesse musicale

C’est dans la petite commune d’Ifs en Normandie, que naît, en 1985, la soprano colorature française Sabine Devieilhe. Elle y commence un apprentissage à l’école de musique avant d’entrer, dès l’âge de douze ans, au Conservatoire de Caen afin d’y étudier le violoncelle.

Après l’obtention de son bac au Lycée Malherbe, elle décroche une licence en musicologie et en ethnomusicologie à l’Uuniversité de Rennes 2. Parallèlement à ses études, elle intègre le chœur de l’Opéra de Rennes. Tout au long de sa formation musicale, elle suit les conseils de la chef d’orchestre Valérie Fayet. Sous l’influence successive des professeures de chant Jocelyne Chamonin du Conservatoire de Caen et Martine Surais du Conservatoire de Rennes, Sabine Devieilhe cimente son parcours musical dans le chant lyrique. Dès 2002, elle est choriste dans une production de Der fliegende Holländer de Richard Wagner. Louée pour sa voix, elle devient soliste et en 2008 elle entre au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, dans la classe de chant de Pierre Mervant. Au CNSMD, elle étudie également avec Malcolm Walker et Elène Golgevit pour en sortir en 2011avec un Premier prix à l’unanimité, avec les félicitations du jury.

Parallèlement à ses études, Sabine Devieilhe entame une collaboration étroite avec plusieurs ensembles musicaux. Elle chante en compagnie de l’ensemble Pygmalion, dirigé par Raphaël Pichon. Elle se produit dans un large répertoire allant de la musique ancienne à la musique contemporaine, notamment avec Geoffroy Jourdain et son ensemble Les Cris de Paris. Dans le même temps, Jean-Claude Malgoire et Alexis Kossenko l’exercent au répertoire baroque, de Bach à Rameau, ce dernier faisant l’objet d’un premier album récital en 2013 : Rameau – Le Grand Théâtre de l’Amour. L’Orchestre national d’Île-de-France et l’Orchestre de Paris lui donnent également accès à d’autres scènes. Depuis, elle se produit aussi en concert avec Les Arts Florissants, Marc Minkowski & Les Musiciens du Louvre, et beaucoup d’autres artistes et d’ensembles de renom.

Au devant de la scène

La concomitance de ses études et de ses diverses collaborations précoces forme le terreau d’un début de carrière retentissant. À partir de la saison 2011-12, tout s’accélère pour la soprano française. C’est aussi Jean-Claude Malgoire qui l’initie au bel canto avec le rôle d’Amina dans La sonnambula de Bellini et qui l’engage ensuite pour interpréter La Folie dans Platée de Rameau. En juillet 2012, elle est remarquée au Festival d’Aix-en-Provence où elle joue Serpetta dans l’opéra de Mozart La finta giardiniera, mis en scène par Vincent Boussard. La même année, l’Opéra de Montpellier l’invite pour le rôle-titre de Lakmé de Léo Delibes. Elle est sacrée « Révélation Artiste Lyrique » à la 20e édition des Victoires de la Musique Classique.

2013 marque un moment charnière pour Sabine Devieilhe puisqu’elle interprète pour la première fois, à l’Opéra national de Lyon, le célèbre rôle de la Reine de la Nuit dans Die Zauberflöte de Mozart, un rôle qui, parmi d’autres, va lui ouvrir les portes d’une carrière internationale. Toujours en 2013, elle signe un contrat d'exclusivité avec le label de musique Erato, qui produit son premier disque récital avec l'ensemble Les Ambassadeurs dirigé par Alexis Kossenko. Au cours de la saison 2013-14, à la Monnaie, elle incarne sa première Eurydice dans l’opéra de Gluck.

Sabine Devieilhe (Eurydice) & Stéphanie d’Oustrac (Orphée) - Orphée et Eurydice © Bernd Uhlig, 2014

Depuis, le public a pu l’entendre dans un large éventail de répertoires et de personnages. Elle a interprété Constance dans Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc à l’Opéra national de Lyon, au Théâtre des Champs-Élysées en remplaçant au pied levé la chanteuse initialement prévue, et à l’Opéra d’Amsterdam. Outre Adèle dans Die Fledermaus à l’Opéra Comique, elle joue aussi Nanetta dans le Falstaff de Verdi à l’Opéra de Marseille ou encore Mélisande dans l’opéra de Debussy. On la voit également au Festival d’opéra de Glyndebourne dans L'Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel où elle incarne tour à tour la Princesse et le Rossignol. Elle fait également ses débuts au Teatro alla Scala de Milan en Blondchen dans Die Entführung aus dem Serail. La saison passée, elle faisait ses débuts au Royal Opera House Covent Garden de Londres en Reine de la Nuit, rôle qu’elle reprend donc à la Monnaie ce mois de septembre, cette fois dans une nouvelle production mise en scène par Romeo Castellucci.

Des prix en cascade

Dès ses débuts, Sabine Devieilhe devient la coqueluche de la critique , en particulier française, qui voit en elle la succession inévitable de Natalie Dessay. Dans la revue Diapason, Philippe Ramin évoque le « charme d'un timbre svelte mais pulpeux de soprano léger, d'aigus flûtés, d'une déclamation nette et nuancée, d'une simplicité d'effets qui repose sur l'instinct autant que sur le métier. ». De son côté, en commentant un concert, Alain Attyasse pour ResMusica affirmait « la suprématie de Savine Devieilhe » au sein de la nouvelle génération de chanteurs lyriques. Enfin, dans The Guardian, pour sa critique de Mirages, le dernier album en récital de la soprano colorature française, Erica Jeal souligne que la jeune artiste cimente sa réputation de soprano parmi les plus en vogue sur la scène internationale.

De nombreux prix corroborent ces éloges, singulièrement aux Victoires de la musique classique en France où elle remporte le prix d’Artiste lyrique de l'année en 2015. Ce titre, elle le reçoit également en 2018 ainsi que le prix de l’enregistrement de l’année pour son album Mirages, réalisé avec Alexandre Tharaud, François-Xavier Roth et Les Siècles.

« Nous ne sommes plus des divas… »

Affectionnant tout particulièrement le lied et la mélodie, elle se produit fréquemment en récital aux côtés d’Anne Le Bozec dont notamment à l’automne 2017 au Park Avenue Armory de New York et, plus tard la même année, au Wigmore Hall de Londres. Pour autant, et ce malgré les succès engrangés, Sabine Devieilhe conserve une éthique du travail bien loin du strass et des paillettes accolés au monde médiatique. Le 28 mars 2018, dans une interview pour Paris Capitale, elle précise d’ailleurs : « Aujourd’hui, notre métier est bien différent. Nous ne sommes plus des divas, nous prenons le métro et faisons nos courses nous-mêmes. La génération des cantatrices stars – je pense à la Callas – qui s’est sacrifiée pour sa carrière est bel et bien révolue. Nous ne sommes plus des stars, l’opéra est devenu une niche qui a besoin de devenir plus populaire. ».

Entretemps, le calendrier de la soprano française ne désemplit pas puisqu’elle a interprété Zerbinetta dans Ariadne auf Naxos de Richard Strauss cet été à Aix-en-Provence, Cunégonde dans Candide de Leonard Bernstein à Marseille, elle va reprendre, en fin d’année à l’Opéra Comique de Paris le rôle d’Ophélie dans l’Hamlet composé par Ambroise Thomas ; enfin elle est déjà annoncée comme la Gilda d’une production de Rigoletto de Verdi à Marseille en juin 2019.