La Monnaie / De Munt LA MONNAIE / DE MUNT

Das Rheingold

Synopsis musical avec Alain Altinoglu

Sébastien Herbecq, Thomas Van Deursen
Temps de lecture
6 min.

La tentation de l’or, la renonciation à l’amour, une déesse promise aux géants, un anneau doté de terribles pouvoirs, une malédiction… La première partie du Ring des Nibelungen de Richard Wagner crée tout un univers narratif et musical. Lisez le synopsis complet de Das Rheingold, accompagné d’une sélection des grands moments musicaux de l’œuvre effectuée et commentée par le chef d’orchestre Alain Altinoglu.

SCÈNE 1

Dans les profondeurs du Rhin, Woglinde, Wellgunde et Flosshilde ont pour mission de veiller sur l’or enfoui sous l’eau. Insouciantes, elles s’amusent à ridiculiser et à railler Alberich, un membre des Nibelungen subjugué par leurs charmes.

Soudain, un rayon de soleil vient éclairer l’or du Rhin, et une lumière dorée se diffuse dans le fleuve. Alberich cherche à en savoir plus sur ce qu’il voit. Peu méfiantes, les filles du Rhin lui révèlent une donnée capitale: celui qui, renonçant à l’amour, forgera un anneau avec cet or sera investi d’un pouvoir total sur le monde. Alberich fait alors le serment de renoncer pour toujours à l’amour et dérobe l’or avant de s’enfuir. Les filles du Rhin sont désemparées.

SCÈNE 2

Au sommet d’une montagne, Wotan, le maître des dieux, et sa femme Fricka contemplent au loin le Walhalla, demeure que viennent de construire les géants Fasolt et Fafner pour abriter dieux et héros. Suivant les conseils de Loge (la divinité du feu), Wotan a trompé les deux bâtisseurs en promettant de leur remettre Freia, la déesse de la jeunesse et de la fécondité, laquelle cultive les pommes d’or qui garantissent la jeunesse éternelle.
Freia surgit alors, affolée : elle est pourchassée par les deux géants et implore Wotan de ne pas l’abandonner. Mais Fasolt et Fafner réclament leur salaire. Fricka tente de persuader son époux de renoncer à son engagement, tandis que Froh et Donner, les frères de Freia, sont prêts à la défendre.
Wotan doit arbitrer; cependant, s’il n’honore pas le pacte conclu, il prend le risque de s’attirer les foudres des géants.

Loge fait alors son apparition. Il rapporte avoir parcouru le monde dans l’espoir de trouver pour les deux colosses une rétribution digne de compenser la perte de Freia. Ses recherches sont malheureusement restées vaines. Au cours de son voyage, il a eu vent du vol de l’or par Alberich et en informe Wotan, en veillant à ce que ses propos soient entendus des géants. Ces derniers sont particulièrement attentifs aux détails relatifs à l’extraordinaire pouvoir que conférera l’anneau forgé avec cet or. Fafner, tenté par cette récompense, convainc son complice de l’accepter. Wotan est lui aussi attiré par le pouvoir suprême de l’anneau.

Les géants imposent un ultimatum à Wotan avant d’emmener Freia : ils ne libéreront la déesse que si, le soir venu, ils sont en possession de l’or. Wotan et Loge se rendent au Nibelheim, où règne Alberich, afin de récupérer le trésor. Le temps leur est compté car, privés des pommes de Freia, les dieux commencent à vieillir.

SCÈNE 3

Au royaume des Nibelungen, les martèlements des forgerons indiquent que tous sont occupés à fondre l’or du Rhin et à en forger divers objets, dont le premier fut un anneau. Mime, le frère d’Alberich, achève la confection d’un heaume magique (le Tarnhelm), lequel permet à celui qui le porte de prendre l’apparence de son choix ou d’être invisible. Alberich, déjà en possession de l’anneau, s’empare de l’objet et devient ainsi le maître absolu de son territoire.

Wotan et Loge arrivent alors dans les entrailles de la terre, où ils sont accueillis par Mime qui leur raconte comment son peuple a été réduit en esclavage par Alberich. Ce dernier ne tarde pas à couper court à l’entretien et réprimande son frère parce qu’il a discuté avec des étrangers.

Restés seuls avec Alberich, Wotan et Loge flattent leur interlocuteur : ses récents exploits ont eu un retentissement spectaculaire, et ils sont venus en personne pour les constater. Le Nibelung leur montre alors l’or dérobé ainsi que le heaume magique. Pour en prouver la valeur, il accepte de faire une démonstration et se transforme en serpent, puis en crapaud.

Profitant de la petite taille de cet animal, les dieux capturent Alberich et l’emmènent à la surface de la terre.

SCÈNE 4

Pour prix de sa liberté, Alberich doit verser à Wotan et à Loge l’intégralité de l’or dérobé. Le captif accepte et, s’adressant à l’anneau passé à son doigt, il obtient immédiatement que son peuple amène le trésor. Les dieux exigent que leur soient également remis le Tarnhelm et l’anneau. Furieux, Alberich s’en sépare contre son gré. Avant de disparaître, il maudit quiconque sera désormais en sa possession.

Le paradoxe wagnérien

Alain Altinoglu : Wagner est un personnage fascinant, en même temps conservateur et révolutionnaire, que ce soit dans sa vie privée ou dans ses choix artistiques. Il a anticipé tellement de choses, musicales bien sûr, mais également politiques, psychanalytiques… Même ses intuitions sur la cosmogonie ont quelque chose de juste. Quand j’ai dirigé Tristan und Isolde, je me suis dit : « c’est LE chef-d’œuvre ». Puis je me suis dit la même chose quand j’ai joué Parsifal. Et maintenant, je me dis une nouvelle fois la même chose avec le Ring. La tétralogie contient un mélange très élaboré de leitmotive – presque un tissage entre eux – et de transformations de ces leitmotive. Ce n’est pas du tout aussi étiqueté qu’on le pense : « ce motif représente ceci » de manière figée. Par exemple, l’or et l’anneau se transforment en motif du pouvoir, qui lui-même devient l’argent. Il y a toujours des liens, différentes couches de sens. Et en même temps, il y a aussi des choses naïves, qui paraissent presque enfantines, comme la musique des Géants. C’est une marche très basique qui descend dans les graves, c’en est presque comique.

Au moment de la transaction avec les géants, ceux-ci réclament la quantité d’or nécessaire pour cacher entièrement Freia. C’est à cette condi- tion qu’ils accepteront de la libérer. On ajoute donc le Tarnhelm au trésor, mais Fasolt et Fafner demandent aussi l’anneau, désormais au doigt de Wotan qui ne souhaite pas s’en séparer.

Erda, la déesse de la terre, paraît alors. Elle avertit Wotan du déclin prochain des dieux et l’incite à se séparer de l’anneau s’il ne veut pas pâtir de la malédiction proférée par Alberich. Le maître des dieux cède et donne la précieuse bague aux géants qui, respectant leur parole, libèrent Freia.

Lors du partage du butin, Fasolt et Fafner se disputent violement: Fafner tue son frère et s’échappe avec l’intégralité de l’or. La malédiction de l’anneau fait déjà effet.

Il est désormais temps pour les dieux de regagner leur demeure. Tous prennent le chemin du Walhalla, ignorant les lamentations des filles du Rhin qui, au loin, supplient Wotan de tout faire pour que l’or leur soit rendu.